
Frédéric-César Laharpe (1754-1838)
Cet homme, on peut même parler de grand homme, exerça une activité bénéfique pour le Canton de Vaud en particulier et pour la Suisse en général à l'époque napoléonienne et après la chute de l'Empereur Bonaparte.
Né dans le canton de Vaud (à Rolle) alors dominé par Leurs Excellences de Berne, il fut engagé comme précepteur des petits fils de Catherine de Russie et conserva une amitié profonde avec celui qui devint plus tard tsar sous le nom d'Alexandre Ier.
Proscrit par Berne en 1791, il s'installe successivement à Genève puis à Paris. En 1798, après la Révolution Vaudoise, le Directoire place le canton de Vaud sous protection française et Laharpe plaide pour la constitution de la République Helvétique. De 1798 à 1800, il est membre du directoire de la République Helvétique. Traversant diverses péripéties, pris en grippe par Napoléon, c'est grâce à l'amitié que lui porte le Tsar Alexandre Ier que la Suisse, après la débâcle de l'Empire Napoléonien, est constituée sur la base de la Confédération actuelle et que le canton de Vaud acquiert son indépendance vis à vis du joug bernois. Il meurt à Lausanne le 30 mars 1838. Son cousin, Amédée Emmanuel François Laharpe fut général dans les armées de Bonaparte. Une magnifique île artificielle porte son nom dans le port de Rolle, ville dont La Harpe constitue le fleuron.

L'île de Laharpe à Rolle © 2009
La Suisse érigée en République Helvète par Napoléon, celui-ci comprit vite que cette structure politique ne convenait pas au pays et revint à un système cantonal (Acte de Médiation). Grâce à Alexandre Ier, ce système fut maintenu et les mainmises bernoises sur les autres cantons réduites à rien. A la même époque, en 1815, trois importants nouveaux cantons vinrent s'ajouter à la Confédération: Genève, Neuchâtel et le Valais et les territoires des départements du Simplon et du Mont-terrible, “annexés” par la France, furent restitués aux cantons suisses correspondants.
1814: Tout à vous pour la vie
L'amitié du tsar Alexandre Ier envers le Vaudois La Harpe sauve le canton

On est en janvier 1814. Le canton de Vaud est en danger: les partisans de l'Ancien Régime ont le vent en poupe. La victoire de la coalition emmenée par la Russie et l'Autriche sur Napoléon, en octobre 1813 à Leipzig, leur permet de croire qu'un retour au statut prérévolutionnaire est possible.
Berne appelle ses anciens sujets, vaudois et argoviens, à revenir dans son giron. Lorsque les troupes autrichiennes, violant la neutralité de la Suisse, ont franchi le Rhin, fin décembre, des aristocrates bernois et leurs partisans se sont déjà imaginé récupérer leurs anciens territoires.
Ils oublient que les Vaudois ont un puissant allié dans la place: le tsar Alexandre Ier, empereur de Russie depuis 1801 et principal adversaire de Napoléon. Il sait ce qu'il doit au Vaudois Frédéric-César de La Harpe, qui fut son précepteur de 6 à 17ans. Le Rollois aux prénoms d'empereurs en a fait un francophile ouvert aux idées des Lumières (françaises, anglaises et suisses) et une amitié sincère s'est installée entre eux. Une confiance que le tsar a manifestée en faisant de La Harpe son conseiller et son confident durant les premiers mois de son règne.
Une main secourable
Alors, dès l'automne 1813, le Vaudois appelle au secours son ancien élève: Tendez à ma pauvre patrie une main secourable; elle mérite d'intéresser votre grand c½ur, écrit-il le 15 novembre. Exilé volontaire à Paris, surveillé de près, La Harpe ne peut se rendre lui-même en Allemagne, où le tsar, qui mène la poursuite contre Napoléon, s'apprête à franchir le Rhin et à envahir la France. Il envoie son grand ami Henri Monod, l'autre héros de la Révolution vaudoise, plaider la cause du canton: Veuillez l'accueillir avec la bienveillance que vous eûtes toujours pour moi, demande-t-il au souverain russe.
Début janvier 1814, La Harpe reçoit enfin une réponse, qui dut le faire chavirer de joie. Ecrivant à son cher, respectable ami, Alexandre Ier, tsar de toutes les Russies, lui explique les efforts déployés pour «soutenir la cause» de sa patrie: On ne souffrira pas que l'existence des cantons de Vaud et d'Argovie soit compromise ou inquiétée par celui de Berne.
Ce qui frappe le plus dans cette missive toutefois, c'est le ton à la fois reconnaissant, élogieux et amical de l'empereur envers son mentor, lorsqu'il explique que si quelque persévérance et énergie que j'aie eu l'occasion de déployer depuis deux ans ont été utiles à la cause de l'indépendance de l'Europe, c'est à vous et à vos instructions que je les dois. Ou encore: Votre souvenir dans les moments difficiles a été constamment présent à ma pensée, et le désir d'être digne de vos soins, de mériter votre estime, m'a soutenu.
Voilà qui a réchauffé le c½ur de La Harpe, alors âgé de 70 ans et amer après les déboires qui l'ont contraint à fuir la Suisse. D'autant que l'empereur poursuit en se réjouissant de le serrer à nouveau dans ses bras: Ce sera un des jours les plus chers de ma vie. Et conclut avec la formule: Adieu, mon cher, mon vrai ami, de c½ur et d'âme, tout à vous pour la vie.
Les retrouvailles ont lieu à la fin du mois de janvier, en Champagne. Alexandre Ier, qui s'apprête à combattre une nouvelle fois Napoléon, présente aussitôt La Harpe au roi de Prusse et à l'empereur d'Autriche. Le Vaudois redevient conseiller du tsar, qui décore de l'ordre de Saint-André, la plus haute distinction de son empire, celui «à qui il doit tout ce qu'il sait, tout ce qu'il est», comme il le répète à maintes occasions.
La campagne de France est un succès pour les alliés. Battu, Napoléon abdique. Début avril, l'empereur de Russie est à Paris. En octobre, il convie La Harpe au Congrès de Vienne, où les puissances européennes redessinent le continent après l'épopée napoléonienne. Il consacre définitivement la Suisse des 22 cantons et l'indépendance du canton de Vaud. Les Bernois nostalgiques doivent déchanter: grâce à la haute protection du tsar, et malgré les man½uvres de l'Autriche, les Vaudois ne seront plus jamais leurs sujets.

Pierre tombale, Lausanne © 2011
Hymne Vaudois.
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